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EXPLORATIONS DANS LE JURA VAUDOIS


LES CHAUDIÈRES D'ENFER


[ Coupe ( Grande Chaudière ]

Les Chaudières d'Enfer, au nombre de deux, sont des émergences temporaires qui servent de trop-plein à la Source de la Lionne située dans le village de l'Abbaye. La Petite Chaudière d'Enfer se trouve juste au dessus de la source, tandis que la Grande Chaudière d'Enfer se trouve 100 m au NE de la petite et une vingtaine de mètres plus haut en altitude.


Petite Chaudière d'Enfer
Développement  :  110m Dénivellation  :  -20m

S'ouvre par un puits circulaire de 2-3 m de diamètre pour 6 m de profondeur dont base donne sur deux galeries aux départs opposés. Au NE, c'est un boyau étroit menant dans une petite salle suivie d'un nouveau boyau butant sur une faille transversale impénétrable. Au SW, un conduit plus agréable mène dans une petite salle où un boyau rejoint la surface (orifice impénétrable). En face, deux couloirs superposés mènent au premier siphon qui peut être court-circuiter par un passage étroit, puis un deuxième siphon est suivi d'une galerie exondée qui se divise en deux boyaux rapidement impénétrables. Un troisième siphon est en cours d'exploration et une jonction avec la Grande Chaudière est espérée.

Cette émergence fonctionne plusieurs fois par année, lorsque le débit de la Source de la Lionne dépasse 2500 litres/seconde. Lors des grosses crues, le spectacle est de toute beauté.


Grande Chaudière d'Enfer
Développement  :  1300m Dénivellation  :107m (+69;-38)

Vu la complexité de cette grotte, nous nous contentons ici d'une description très sommaire.

Orifice circulaire de 1 m de diamètre menant à une rampe presque verticale suvie d'une pente d'éboulis et d'une chatière débouchant dans une faille transversale; une courte galerie assez confortable mène alors à la vasque du siphon.

Une fois vidé, on peut emprunter une pente de galets jusqu'à un passage bas derrière lequel on remonte de 2m entre des blocs coincés. Depuis là, la cavité devient très argileuse et dans la première partie du trajet jusqu'à la Descente aux Enfers, on suit une galerie en dents de scie où l'obstacle principal est une voûte mouillante. On y croise de nombreuses cheminées, une zone où la galerie principale se dédouble et plusieurs départs latéraux qui se greffent sur les côtés. Deux d'entre eux donnent sur des courtes galeries menant à des siphons (l'un étant le point bas de la cavité à -38m) et un troisième départs (escalade en deux étapes) donne accès au Réseau de la Goutte qui se développe au dessus du trajet principal et qui est caractérisé par une série de boyaux phréatiques. Au terminus de cette première partie, on emprunte un laminoir large de 5m et fortement remontant qui finit par devenir impénétrable.

Vingt mètres avant, un trou dans le plancher permet d'accéder à la Descente aux Enfers où une série de puits et de rampes inclinées (le tout très boueux) mènent une centaine de mètres plus bas sur une galerie occupée par un plan d'eau (siphon). Un passage en vire permet d'éviter l'obstacle et après un nouveau plan d'eau, on reprend la remontée dans une belle et vaste galerie (Grande Rampe). Au sommet de cette dernière commence alors une zone labyrinthique qui schématiquement peut se diviser en deux branches :

La première est un dédale de boyaux et de ressauts constituant le Réseau du Chaudron; la galerie principale de ce réseau descend jusqu'à un bassin et remonte ensuite pour aboutir à deux siphons encore non plongés.

La deuxième passe par dessus le réseau précédent et remonte le long des couches; c'est le Réseau des Diablotins Essouflés. Dans sa première partie, plusieurs départs sur les côtés rejoignent le Réseau du Chaudron ou donnent sur des annexes sans intérêts, puis à partir de la Galerie de l'Etoile du S..., il n'y a plus qu'un seul conduit. Après un coude sur la gauche, les dimensions s'amenuisent et à la fin 15m de ramping dans un boyau humide mène au terminus constitué par une obstruction de sable et d'argile; c'est le point haut de la grotte à +69m.

Au même titre que la Petite Chaudière, cette cavité sert de trop-plein à la Source de la Lionne, mais l'orifice ne fonctionne qu'exceptionnellement.


Géologie

Les deux cavités s'ouvrent dans les calcaires du Portlandien. Une première couche marneuse est traversée au niveau de la salle située avant la voûte mouillante et elle pourrait correspondre au marnes à Exogyra marquant le passage dans l’étage du Kimméridgien. Plus loin, le boyau marquant la partie sommitale du Réseau des Diablotins Essoufflés est creusé dans un banc marneux caractéristique. Il est probable que ce niveau repère soit les marnes du Banné situé dans le Kimméridgien inférieur.

La partie terminale de la grotte n’est plus très éloignée d’une importante faille décrochante qui fait remonter les marnes de l’Argovien à la surface au niveau du vallon du Sapelet. Cette faille orientée nord-sud joue un rôle de drainage important puisque son compartiment est alimente la Source de la Venoge au pied du Jura et son compartiment ouest la Source de la Lionne.


Hydrogéologie

Les deux cavités sont des trop-pleins de la Source de la Lionne qui est située en contrebas. Si la Petite Chaudière peut déborder plusieurs fois par année, la Grande Chaudière quant à elle ne déborde qu’exceptionnellement. Le dernier événement connu remonte à février 1990 où, suite à des pluies diluviennes sur le manteau neigeux, un torrent s’échappait de l’entrée pour cascader sur 35 m de dénivellation et rejoindre la Lionne en aval de sa source.

Le bassin d’alimentation de la Source de la Lionne et des Chaudières est relativement bien connu puisque plusieurs essais de traçage ont été réalisés dans le cadre de l’étude des zones de protection. Il s’étend jusque vers les Grandes Chaumilles situées quelques 8500 m au SW de la source. La superficie du bassin drainé est de l’ordre de 20 km2.


Historique

Connues depuis des siècles par les habitants de la région, elles avaient été visitée depuis longtemps dans leur première partie, soit une dizaine de mètres pour la petite et jusqu'au siphon à 40 m de l'entrée pour la grande. Pour cette dernière, de vieux écrits signalait qu'elle était remarquable par son étendue (des chiffres donnent 4 km) et sa beauté.

Cette description a donc éveillé très tôt la curiosité des spéléologues. En 1950 la section de Lausanne (GSL) fait donc une inspection minutieuse des deux grottes, mais le développement cumulé ne dépasse pas 100 m ! En 1957, puis en 1960 la plongée (GSL-CSSL) du siphon de la Grande Chaudière n'apportera rien de nouveau.

De 1970 à 1973, les plongeurs du GLPS vont alors se focaliser sur les différents siphons des sources. Dans la Grande Chaudière un point bas est atteint à -9m, mais des blocs instables les empêchent de continuer. Dans la Petite Chaudière, ils franchissent un premier et court siphon, puis un deuxième de plus grande longueur qui est suivi d'une courte zone exondée. Dans cette Petite Chaudière une nouvelle plongée des années plus tard par le SCN permettra d'explorer encore un troisième siphon, mais les cavités tomberont alors dans l'oubli.

En 1999, le GSL et le SCVJ obtiennent enfin l'autoriation de la commune pour vider le siphon de la Grande Chaudière, autorisation qui était attendue depuis près de 50 ans ! Un pompage fut alors mis sur pied et en automne 1999, l'entreprise est couronnée de succès. De nombreuses expéditions seront organisées lors des hivers 2000, 2001 et 2002 et plus de 1300 m de galeries souvent argileuses seront explorées en interclubs.


Bibliographie sommaire

Audétat M., Christen D., Deriaz P., Heiss C., Heiss G., Luetscher M., Morel P., Perrin J., Wittwer M. et les contributions de Blant M., Chaix L., Perrin B., Pignat G. (2002) : Inventaire spéléologique de la Suisse, Tome 4, Jura vaudois partie ouest. - Commission de Spéléologie de l'Académie suisse des sciences naturelles, La Chaux-de-Fonds : 214-220

Brandt C. (1975) : Explorations de plongée souterraine. - Stalactite, 25(1) : 7-21

Perrin J. (2003) : Les Grandes Chaudières d'Enfer. - Le Trou, 65 : 22-28

Perrin J., Dutruit J. et Christen D. (2001) : Le système karstique de la Lionne. - Actes du 11ème congrès suisse de spéléologie, Genève, 15-17 septembre 2001, Supplément no.15 à Stalactite : 47-52


Photographies



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